L’Institut Pasteur de Lille face aux défis infectieux

 

Mise à jour : Novembre 2021

Depuis plus de 18 mois, les chercheurs de l’Institut Pasteur de Lille mettent en commun leurs compétences pour affronter une crise sanitaire sans précédent, mobilisés notamment dans la recherche d’un traitement contre la COVID-19. Avec plus de 5 millions de décès à ce jour, le SARS-CoV-2 et ses variants représentent un fléau au niveau mondial contre lesquels les équipes de l’Institut Pasteur de Lille se mobilisent sans relâche. 

Au-delà de l’urgence, cette pandémie montre l’impérieuse nécessité pour nos sociétés de se donner les moyens d’une très grande réactivité face à l’émergence d’agents pathogènes : les virus tels que le SARS-CoV-2 mais également les bactéries hautement résistantes aux antibiotiques. Pour anticiper de prochaines épidémies, l’Institut Pasteur de Lille lance le programme INTHREPIDE avec l’ambition de proposer des thérapies innovantes contre les maladies infectieuses émergentes. Une vision à long terme qui constitue un véritable enjeu de santé publique.

dossier maladies infectieuses pasteur lille

COVID-19 : le projet THERAPIDE, labellisé « Priorité Nationale de Recherche », reçoit l’avis favorable de l’ANSM après celui du CPP.

sAprès plusieurs mois de recherche et grâce au soutien de donateurs, d’entreprises mécènes et du conseil régional des Hauts-de-France, les équipes de l’Institut Pasteur de Lille (CNRS, Inserm, Université de Lille, CHU de Lille), en collaboration avec la start-up Apteeus (localisée sur le campus de l’Institut Pasteur de Lille) ont identifié, au sein de leur chimiothèque, une molécule particulièrement puissante contre le SARS-CoV-2. Les tests in vitro et l’utilisation de modèles précliniques ont montré l’efficacité de cette molécule contre la réplication du virus. Il s’agit du CLOFOCTOL, médicament commercialisé en Europe et ayant déjà eu une autorisation de mise sur le marché en France pour d’autres indication. Il pourrait donc être repositionné comme traitement de la COVID-19.

Les chercheurs et chercheuses, en collaboration avec des cliniciens infectiologues, statisticiens et médecins généralistes des Hauts-de-France, ont conçu un essai clinique pour tester ce traitement expérimental dans la prise en charge précoce des patients COVID, en double aveugle contre placebo. Au regard de l’urgence, l’Institut Pasteur de Lille a sollicité le Comité Ad hoc de Pilotage National des Essais Thérapeutiques (CAPNET), qui s’appuie sur les évaluations scientifiques et méthodologiques réalisées par le Conseil Scientifique de REACTing, pour délivrer un label de « Priorité nationale de recherche » aux études à fort impact potentiel. Le CAPNET a accordé le mercredi 7 avril 2021 le label “Priorité de Recherche Nationale” au projet THERAPIDE. Ce label permet notamment l’accès exclusif à une procédure accélérée d’évaluation du dossier d’autorisation règlementaire par le Comité de Protection des Personnes (CPP) et l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM).

Le 10 juin, l’ANSM a émis un avis favorable après celui du CPP. L’essai clinique a démarré en juin 2021. Les critères d’inclusion sont définis dans le protocole de l’essai qui a été validé par le CPP et l’ANSM, à savoir : un test positif récent, avoir plus de 50 ans, avoir au moins un symptôme et ne pas avoir été vacciné. Cet essai clinique est une étude de phase “adaptative”, menée en ambulatoire, randomisée, contrôlée par placebo, en double aveugle, visant à évaluer la sécurité d’emploi, la tolérance et l’efficacité du clofoctol chez des patients atteints de la COVID-19 symptomatique au stade précoce.

Plusieurs sites ont été ouverts dans les Hauts-de France dont Senlis, Maubeuge, Chateau-Thierry et Lille. Une carte des localités dans lesquelles l’essai est actif a été publiée sur le site therapide.org. La campagne de recrutement lancée par l’Institut Pasteur de Lille a donc pu démarrer mais le recrutement des patients reste à ce jour insuffisant. De nouveaux centres de recrutement ont été ouverts aux Antilles ou le taux de vaccination est plus bas.

L’Institut Pasteur de Lille a mis en œuvre tous les moyens pour accélérer cet essai grâce notamment à la collaboration de nombreux médecins généralistes qui assureront l’investigation clinique au domicile des patients, ainsi que des laboratoires de biologie médicale répartis sur le territoire des Hauts-de-France.

Par ailleurs, les médecins généralistes qui seraient désireux de participer peuvent nous contacter par email medecin.therapide@pasteur-lille.fr. Pour les médecins qui n’auraient pas une grande expérience de recherche clinique, ils bénéficieront d’une formation qualifiante aux Bonnes Pratiques Cliniques sous forme d’un « serious game ».

L’Institut Pasteur de Lille sur tous les fronts

Depuis le début de la crise sanitaire, les équipes de recherche se sont mobilisées pour lutter contre la COVID-19 avec 3 projets de recherche :

  1. Identifier des médicaments capables d’inhiber le virus SARS-CoV-2 : l’objectif est d’identifier des médicaments «repositionnables» capables de contrôler la réplication du virus et démarrer au plus vite un essai clinique. A l’heure actuelle, un candidat-médicament (le clofoctol) a démontré son efficacité in vitro sur des cultures cellulaires et dans des modèles précliniques. Ce traitement potentiel fait actuellement l’objet d’un essai clinique pour mesurer son efficacité en tant que médicament contre la COVID-19. Le projet a reçu le label « Priorité de Recherche Nationale» en avril 2021 et a été déposé auprès de l’ANSM pour évaluation. Le 10 juin 2021, les chercheurs ont reçu l’autorisation de débuter l’essai sur l’homme. Ce projet a reçu le soutien de donateurs et de LVMH.
  2. Identifier un médicament capable d’inhiber une grande partie des coronavirus : de nouveaux antiviraux sont indispensables pour combattre les futures épidémies. Parallèlement à la recherche de médicaments repositionnables, la recherche de nouvelles molécules capables de cibler des constituants essentiels au fonctionnement des coronavirus a débuté. L’une des stratégies consiste à s’attaquer à la protéase principale du SARS-CoV-2. Cette protéase au nom de code « 3CLpro » est une cible thérapeutique prometteuse. Elle est très spécifique des coronavirus et elle n’est pas présente chez l’homme. Les chercheurs de l’Institut Pasteur de Lille ont obtenu très récemment des informations structurales et dynamiques, à l’échelle atomique, de cette enzyme dont le mode d’action est extrêmement complexe. Ces résultats sont importants pour le développement futur de médicaments antiviraux. Les chercheurs ont réalisé un criblage de fragments moléculaires par spectroscopie de résonance magnétique nucléaire (RMN) contre 3CLpro. Plusieurs candidats capables d’inactiver l’activité enzymatique ont été identifiés. L’un d’entre eux inhibe la réplication du virus dans les cellules. Les chercheurs tentent maintenant d’optimiser l’efficacité de ces inhibiteurs pour proposer des candidats médicaments visant la vaste famille des coronavirus, et pas seulement SARS-CoV-2. Pour ces travaux, l’Institut Pasteur de Lille utilise les technologies les plus modernes et les outils de la chimie médicinale, de la biologie structurale, et de la génomique. Ces nouveaux médicaments nécessiteront un développement préclinique puis des essais cliniques chez l’homme.

     

  3. Repositionner un vecteur vaccinal contre le SARS-CoV-2 : l’objectif est de développer un candidat vaccin spécifique au SARS-CoV-2 en intégrant des antigènes soigneusement sélectionnés. Le nouveau candidat vaccin est basé sur une plateforme originale développée à l’Institut Pasteur de Lille dans l’équipe du Docteur Camille LOCHT. Il s’agit d’un vaccin vivant nasal contre la coqueluche qui est actuellement en cours d’essai clinique de phase 2. Il est maintenant modifié pour permettre de présenter de façon optimale des antigènes du virus SARS-CoV-2 au sein de la muqueuse respiratoire. Après administration par spray nasal, ce vaccin devrait induire des réponses cellulaires puissantes permettant de nous protéger contre le virus, y compris ses nouveaux variants. Plusieurs constructions ont déjà été réalisées et les plus prometteuses font actuellement l’objet d’évaluation pré-cliniques.  

L’Institut Pasteur de Lille a également mobilisé les équipes du Centre Prévention Santé Longévité contre la pandémie : dépistage COVID-19 avec les équipes de Synlab et de Lille Grand Palais, tracing des patients avec la CPAM et l’ARS Hauts-de-France, conseils en mesures sanitaires avec Hello Lille et les entreprises, ainsi que les vaccinations COVID-19.

Anticiper et prévenir les prochaines épidémies

Alors que la COVID-19 continue de faire des victimes, et que de nouvelles mutations du virus rendent complexe la gestion de cette crise, d’autres pandémies sont attendues à l’avenir, liées à des virus émergents et au développement de bactéries multi-résistantes. Pour anticiper et prévenir les prochaines épidémies, la stratégie scientifique de ce nouveau programme se décline en deux axes de recherche : les infections virales et les infections bactériennes.

INTHREPIDE figure désormais au cœur de la stratégie de recherche à l’Institut Pasteur de Lille, aux côtés des autres axes fondamentaux comme la lutte contre la maladie d’Alzheimer, le diabète ou encore les cancers. L’objectif de ce programme est double : lutter contre les infections virales et lutter contre la résistance aux antibiotiques .

Deux axes majeurs de recherche

Lutter contre les infections virales

Les recherches à l’Institut Pasteur de Lille visent actuellement à mieux comprendre l’évolution génétique et phénotypique des agents pathogènes, ainsi que leur tropisme, leur cycle de réplication et leur pathogénie. L’objectif étant d’identifier les meilleures cibles à inhiber pour concevoir un antiviral sur les virus connus et circulants. Cet antiviral doit aussi pouvoir être actif sur toute une famille de virus et donc sur de futures espèces à risque d’émergence.

Aujourd’hui, face à la COVID-19, les chercheurs ont expérimenté le repositionnement de molécules pour inhiber le virus, c’est-à-dire tester des molécules déjà utilisées pour d’autres maladies, mais qui pourraient apporter une réponse thérapeutique efficace. Au-delà du SARS-CoV-2 et ses variants, l’objectif du programme est à terme de concevoir des antiviraux dirigés contre l’ensemble des virus de la famille des coronavirus, souvent en cause dans les maladies virales émergentes.

Lutter contre les bactéries résistantes

Concernant les infections bactériennes, la stratégie d’INTHREPIDE vise à identifier de nouveaux antibiotiques, c’est-à-dire de nouveaux agents bactéricides ou bactériostatiques. Cela passe par l’identification de nouveaux composés capables de potentialiser l’action d’antibiotiques par la mise en évidence des agents, dits antivirulents, capables d’inhiber le pouvoir pathogène d’un agent bactérien.

Cette approche doit permettre d’identifier de nouveaux composés capables d’inhiber les mécanismes de résistance aux antibiotiques, ainsi que de nouvelles pistes de traitement des maladies infectieuses.

Le saviez-vous ?

La résistance bactérienne aux antibiotiques est un phénomène préoccupant. La résistance des bactéries aux antibiotiques, appelée antibiorésistance, pourrait devenir l’une des principales causes de mortalité dans le monde avec 10 millions de décès par an à l’horizon 2050.

Une mobilisation des compétences sur le campus Pasteur Lille

Les travaux de l’Institut Pasteur de Lille sur les coronavirus

Au Centre d’Infection et d’Immunité de Lille, l’équipe du Dr Jean Dubuisson travaille depuis plusieurs années sur les coronavirus comme le MERS, apparu il y a une dizaine d’années au Moyen-Orient. Les recherches visent à caractériser les interactions des coronavirus avec les cellules afin de mieux comprendre leur cycle viral et de pouvoir identifier des cibles antivirales. Cette stratégie pourrait déboucher sur la découverte de médicaments innovants contre les coronavirus émergents.

Depuis le début de la crise, la stratégie adoptée est celle du repositionnement de molécules en utilisant des molécules déjà utilisées pour d’autres maladies, et qui pourraient apporter une réponse thérapeutique contre le SARS-CoV-2, l’agent pathogène de la COVID-19. L’objectif est de mettre en place à court terme un traitement capable de soigner les formes graves de la maladie et de mettre fin à la pandémie.

Sandrine Belouzard explique : « Nous avons sélectionné des molécules antivirales à partir de notre chimiothèque, et les avons testées sur le virus. Nous étudions comment cet agent pathogène entre dans la cellule et en ressort. La compréhension de ce mécanisme est très précieuse pour se faire une idée précise du mode opératoire du SARS-CoV-2. »

D’autres équipes de l’Institut Pasteur de Lille travaillent également sur le SARS-CoV-2. Le groupe de Karine Seron cherche à identifier de nouveaux anti-viraux à partir de substances naturelles (ACRONYME Jean STP) L’équipe du Dr François Trottein développe des modèles pré-cliniques de COVID-19 en intégrant notamment certains aspects de la comorbidité (dyslipidémie) et l’âge. Ainsi le rôle potentiel de la sénescence cellulaire est étudié (SENOCOVID). Par ailleurs, l’équipe du Dr Florence Pinet s’intéresse aux conséquences de l’infection sur les fonctions cardiaques (COVID HEART). Ces projets sont soutenus par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR).

Le Centre de Découverte de Médicaments, atout essentiel dans l’innovation thérapeutique

Le Centre de Découverte de Médicaments réunit une trentaine de chercheurs de haut niveau : chimistes, biologistes, analystes et autres experts, assurant la prise en charge complète des compétences nécessaires à l’élaboration des molécules pour les traitements du futur. La mise en relation de toutes ces expertises permet de concevoir prototypes de médicaments innovants dans des temps de plus en plus restreints.

Aujourd’hui, le centre dispose d’une plateforme de criblage automatisée unique en France et bénéficie de la 1ère chimiothèque d’Europe, qui rassemble 200 000 molécules et composés. Une multiplicité qui permet d’accroître de façon importante le nombre de combinaisons possibles lors de la phase de tests, et qui a permis à la Fondation d’identifier une molécule particulièrement efficace contre le SARS-CoV-2, ouvrant des opportunités de mettre en place un traitement demain.

MEDICAMENT_20190211_LABO_17 b

Par ailleurs, les chercheurs avancent concrètement dans la lutte contre la résistance aux antibiotiques, notamment dans le cas des maladies nosocomiales (les infections contractées à l’hôpital). Les recherches sont également élargies aux maladies métaboliques et auto-immunes. C’est ainsi que les équipes ont découvert les premiers inhibiteurs sélectifs de l’Insulin-degrading enzyme et montré que cette enzyme possède des rôles insoupçonnés. Les chercheurs travaillent également sur le diabète de type 2, certaines formes de cancers ainsi que la reconnaissance des antigènes intracellulaires par le système immunitaire et la douleur.

Cette mise en relation de toutes les compétences permet au campus Pasteur Lille de se donner les moyens de ses ambitions à travers ce programme : répondre à l’urgence épidémique d’aujourd’hui, tout en anticipant de manière efficace celles de demain.

Les recherches sur la COVID-19 à l’Institut Pasteur de Lille

Thématiques de recherche

maladies infectieuses pasteur lille
découverte de nouveaux médicaments