Une pandémie inédite : tout savoir sur le nouveau Coronavirus

 

Mise à jour : Mars 2020

Avec l’émergence du nouveau coronavirus (SARS-CoV-2) en Chine en début d’année 2020, le monde (re)découvre l’existence des coronavirus. Pourtant ces virus (CoV) forment une immense famille de virus présents autour de nous au quotidien. Les équipes de l’Institut Pasteur de Lille cherchent depuis plusieurs années à comprendre les coronavirus, leur fonctionnement et leurs interactions.

Dossier coronavirus

Le Coronavirus SARS-CoV-2

Les coronavirus forment une vaste famille de virus présents chez l’homme et chez l’animal. Ils possèdent un génome à ARN extrêmement long (plusieurs milliers de nucléotides*), et sont entourés d’une capsule de protéines en forme de couronne qui leur valent leur nom. Il existe de nombreux sous-types de coronavirus infectant différentes espèces animales. L’Homme peut en héberger au moins sept.

Sur le plan médical, on distingue deux groupes de coronavirus qui touchent l’être humain : les coronavirus peu pathogènes (on en dénombre quatre actuellement), et les coronavirus hautement pathogènes, dont on ne connaît que deux représentants pour l’instant, le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et le Coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV). En 2003, le SRAS avait infecté environ 8000 individus, causant la mort de 800 personnes dans le monde.

Les coronavirus peu pathogènes circulent en France chaque année, à l’automne, pendant tout l’hiver et au printemps, mais disparaissent pendant l’été. Pour ces virus comme pour les autres virus saisonniers (grippe, rhume, gastro-entérite…), les raisons de cette trêve estivale sont mal connues. Très répandus, ces virus sont associés à des rhumes et des syndromes grippaux bénins. Ils peuvent également infecter l’Homme sans déclencher de symptômes ou, à l’inverse, être impliqués dans des complications respiratoires de type pneumonie chez des personnes immunodéprimées ou des nourrissons.

coronavirus de wuhan

Ces virus se transmettent facilement d’homme à homme par voie aérienne, au contact de sécrétions ou à celui d’objets contaminés, particulièrement en période hivernale. La période d’incubation qui précède l’apparition des symptômes dure 3 à 6 jours et les traitements, s’ils sont nécessaires, sont symptomatiques (traitement de la fièvre, des congestions ou des douleurs éventuelles). Néanmoins, les infections à coronavirus ne sont habituellement pas diagnostiquées en raison de leur caractère bénin et de leur guérison spontanée.

Sandrine Belouzard, docteur en biologie, chercheuse CNRS au Centre d’Infection et d’Immunité de Lille à l’Institut Pasteur de Lille précise ” Pour passer chez l’Homme, ce sont souvent des coronavirus animaux qui se sont adaptés à une nouvelle espèce. C’est un mécanisme connu pour les coronavirus. On sait que pour le SRAS en 2003, c’est un coronavirus de chauve-souris qui, à un moment donné, a été capable d’infecter les Hommes.”

La COVID-19

Fin 2019, une épidémie de pneumonie est apparue à Wuhan, en Chine, dont les premiers cas étaient liés à un marché d’animaux vivants. Une transmission zoonotique du virus, c’est-à-dire qu’une contamination d’origine animale serait à l’origine de cette épidémie. “On sait que le réservoir est la chauve-souris mais on ne connait pas l’animal hôte par lequel le virus est passé pour se transformer et pouvoir ainsi infecter l’homme”, précise la virologue Sandrine Belouzard. La transmission d’homme à homme du virus a été démontrée par les chercheurs.

covid-19 voyage pasteur lille

La recherche contre la COVID-19 à l’Institut Pasteur de Lille

Pour gagner du temps face à l’épidémie, l’Institut Pasteur de Lille a créé une équipe dédiée “Task Force” réunissant des chercheurs de laboratoires différents.

Les chercheurs expérimentent un repositionnement de molécules, c’est-à-dire tester des molécules déjà utilisées pour d’autres maladies, mais qui pourraient apporter une réponse thérapeutique efficace face à ce coronavirus. Pour cela, l’Institut Pasteur de Lille dispose d’une plateforme de screening de molécules unique en Europe. Le traitement se trouve peut-être parmi les 200 000 molécules et composés de notre fondation !

L’équipe “Task Force” de l’Institut Pasteur de Lille est mobilisée pour :

  • Identifier le plus rapidement possible, parmi une collection réunissant tous les médicaments du monde, ceux qui peuvent inhiber ce virus, afin de les proposer immédiatement aux médecins en charge des patients.
  • Trouver les armes thérapeutiques pour les prochaines épidémies à coronavirus, en ciblant des constituants précis du virus.
  • Identifier des cibles vaccinales, pour une meilleure protection de la population.

La recherche d’un traitement

La Task Force COVID-19, composée d’experts de différents domaines (virologues, pharmaciens, épidémiologistes, généticiens, bioanalystes…) s’est notamment concentrée sur l’identification de molécules ou de combinaisons de molécules pouvant inhiber les virus. La société APTEEUS, lauréate du concours Mondial d’Innovation et spécialisée dans le repositionnement de médicament, participe à l’effort de recherche en mettant à disposition sa bibliothèque de 2 000 médicaments approuvés, collectés dans le monde entier, et en collaborant dans la mise au point de protocole robotisé de criblage. Ces molécules ont ainsi été testées sur des cellules en cultures infectées par le virus. “Utiliser une molécule déjà utilisée dans d’autres maladies permettrait de gagner un temps considérable face à l’épidémie” explique le Pr Benoit Deprez, directeur scientifique de l’Institut Pasteur de Lille. Ce projet de repositionnement de molécules est possible grâce à sa plateforme de screening de molécules unique en Europe et bien entendu, aux équipements de haute sécurité qui permettent de manipuler ce type de virus pathogènes.

Un autre objectif de la Task Force COVID-19 est de trouver les armes thérapeutiques pour les prochaines épidémies à coronavirus, en ciblant des constituants précis du virus. Spécialistes de la virologie moléculaire et cellulaire, les équipes du Dr Jean Dubuisson, directeur du Centre d’Infection et d’Immunité de Lille, travaillent depuis plusieurs années sur les coronavirus. Leurs recherches, dans le cadre de collaborations internationales, visent à mieux comprendre le cycle viral de chacun de ces virus afin d’identifier des cibles antivirales, ou encore des cibles vaccinales, pour une meilleure protection de la population. “Il est important de trouver un traitement car nous savons que d’autres épidémies de ce type pourraient survenir” explique le chercheur.

La piste d’un vaccin

Les travaux de recherche des équipes et notamment la connaissance des principes d’infection du Covid-19, sont indispensables pour la mise au point de vaccins. “On estime qu’il faudra une immunité collective d’environ 70% de la population pour que le virus arrête ou diminue sa dynamique de circulation. C’est aussi pour cela qu’il est très important de trouver un vaccin contre la COVID-19 pour augmenter l’immunité collective” explique le Dr Anne Goffard, virologue à l’Institut Pasteur de Lille et au CHU de Lille.

Depuis le début de l’épidémie, les équipes de l’institut ont travaillé sans relâche grâce au soutien des donateurs, partenaires et entreprises. Le screening des molécules est une expérimentation complexe, couteuse sur plusieurs mois. Les premiers résultats, combinés aux résultats communiqués par d’autres instituts de recherche en Europe et dans le monde, nous permettent de concevoir des combinaisons qui pourraient être plus puissantes que les médicaments testés en ce moment. L’automatisation du laboratoire de haute sécurité de l’Institut Pasteur de Lille permet de tester très rapidement les milliers de combinaisons faisables avec quelques dizaines de médicaments actifs identifiés jusqu’alors.

Parallèlement, les équipes de l’Institut conçoivent de nouvelles molécules ciblant certains composants essentiels au cycle de réplication du virus, comme sa protease. Ces nouveaux médicaments nécessitent un développement préclinique plus long et visent à nous protéger contre les épidémies futures à coronavirus.

Face à la COVID-19 : le BCG

Le BCG pourrait avoir un effet bénéfique chez les personnes atteintes de la COVID-19. Le vaccin pourrait faire atténuer les symptômes de l’infection par le SARS-CoV2 et prévenir certaines formes graves. Obligatoire en France jusque 2007, il constituerait alors une sorte de rappel dans notre pays. D’autres essais cliniques sont ainsi en cours ou sur le point d’être lancés en Europe (Pays-Bas, Allemagne, Espagne…) et en Australie afin de diversifier les terrains d’étude, et déterminer au mieux l’efficacité du vaccin BCG contre la COVID-19.

Le vaccin contre le BCG, inventé il y a 100 ans à l’Institut Pasteur de Lille, pourrait vivre une seconde jeunesse. “Le BCG, vaccin universel contre la tuberculose, inventé car Calmette et Guérin à l’Institut Pasteur de Lille, a sauvé des millions de vies sur toute la planète. C’est un vaccin qui a beaucoup apporté à l’humanité. Ce serait magnifique qu’il puisse contribuer à atténuer les conséquences de l’infection par le SARS-CoV2, aux côtés d’autres traitements” souligne le Pr Xavier Nassif, Directeur Général de l’Institut Pasteur de Lille.

La lutte contre les maladies infectieuses, un combat historique à Lille

C’est suite à une épidémie de diphtérie que l’Institut Pasteur de Lille a été créé en 1894 et inauguré en 1899, pour la mise au point de vaccins et le traitement des malades.

La tuberculose, dont les souches originelles sont exposées au musée de l’Institut Pasteur de Lille, a été la deuxième maladie infectieuse prise en charge par les chercheurs de la fondation lilloise. C’est à Albert Calmette, premier directeur général de l’Institut Pasteur de Lille, que l’on doit la mise au point du BCG qui a sauvé des millions de vies. Depuis, de nombreux autres combats ont été menés contre les maladies infectieuses (coqueluche, sida, peste…) mais aussi, contre les cancers, maladies cardiovasculaires, maladie d’Alzheimer ou encore le diabète. Toutes ces actions ne sont possibles que grâce aux dons.

Les infections microbiennes et les maladies inflammatoires restent, aujourd’hui, des causes majeures de mortalité et morbidité mondiales. Un décès sur quatre est dû à des infections, une proportion juste derrière les maladies cardiovasculaires et 2 fois plus élevée que la mortalité due au cancer.

Cette proportion est encore plus élevée chez les enfants, où les maladies infectieuses sont la première cause de décès. Leur impact à long terme sur d’autres infections, telles les cancers, les maladies cardiovasculaires, métaboliques et neurodégénératives, est considérable. La compréhension de l’infection et de l’immunité, y compris ses dérégulations, nécessite des approches multidisciplinaires et intégrées qui sont développées au sein du Centre d’Infection et Immunité de Lille à l’Institut Pasteur de Lille.

Itinéraire d’un chercheur

Sandrine Belouzard : les coronavirus, une histoire de famille

Virologue et chercheur CNRS au Centre d’Infection et d’Immunité de Lille, Sandrine Belouzard a rejoint l’Institut Pasteur de Lille en 2009. Spécialiste des coronavirus, elle s’y consacre pleinement depuis 2012.

En 2003, lorsque Sandrine Belouzard achève sa thèse en biologie cellulaire, une première épidémie de SRAS, de la famille des coronavirus, sévit en Chine. Moins pathogène, le cousin de l’actuelle COVID-19 avait néanmoins paralysé une partie de la Chine à cette époque, et bousculé tout le programme “post-doc” de l’étudiante qu’elle était.

Départ pour l’Université de Cornell aux Etats-Unis, où Sandrine Belouzard débute alors sa longue histoire avec le coronavirus : “Je devais travailler sur des poulets (épidémie de la grippe aviaire, ndlr), j’ai travaillé sur le SRAS”. Une coïncidence plutôt fortuite pour la jeune chercheuse.

Il faut dire qu’après des années de recherches et d’expertises sur ces virus, l’apparition du génome de la COVID-19 en janvier 2020, a réveillé ses craintes d’une nouvelle émergence. “Assez vite, je constate que le virus est assez proche de celui du SRAS” résume-t-elle alors. Une petite reconnaissance pour la chercheuse, qui a initié ses projets de recherche sur les coronavirus à l’Institut Pasteur de Lille en 2012 lors de l’émergence du coronavirus (MERS-CoV) au Moyen-Orient. “On n’avait pas tort de se dire qu’il fallait étudier ces virus” reconnaît-elle désormais.

Au cœur de l’urgence

Le 12 janvier 2020, lorsque le code génétique du Sars-CoV-2, nom du virus émergent, est révélé, les travaux de recherche débutent pour identifier ce nouveau virus et cibler les molécules pouvant le combattre.

“Si nous constatons qu’une molécule a un effet sur plusieurs coronavirus, c’est encore plus intéressant”, expliquait-elle.

En dehors du laboratoire, Sandrine Belouzard aime tester de nouvelles recettes de cuisine, avec une ténacité qui la pousse à toujours se dépasser et recommencer… Une qualité inestimable en recherche, un métier où passion et persévérance sont les maîtres-mots !

CORONAVIRUS 2020 LABO DUBUISSON

Thématique de recherche

maladies infectieuses pasteur lille