L’alimentation semble compter parmi les facteurs non négligeables qui influencent le risque de développement d’un cancer. Si les fruits et légumes sont à consommer sans modération, certains aliments, à l’inverse, sont cependant à éviter pour prévenir le développement d’un cancer. En effet, on estime que la nutrition est impliquée dans le développement de près d’un tiers des cancers. Mais que dit vraiment la science de l’impact de ces facteurs chez les patients atteints d’un cancer ? Quelles sont les recommandations des professionnels de santé à destination des patients ?

L’alimentation, une arme pour lutter contre le cancer ?

Comment se développe un cancer ?

La recherche s’efforce, depuis plus de 50 ans, à la fois de comprendre les mécanismes de la cancérogénèse et de découvrir les facteurs favorisant la survenue des cancers. Pour qu’un cancer se développe, il faut plusieurs étapes : l’initiation qui est due à une mutation sous l’effet de facteurs mutagènes (radiations ionisantes, tabac, toxiques, ultra-violets…) qui altèrent par un processus oxydatif, l’ADN cellulaire ; puis une promotion qui correspond à la multiplication (ou prolifération) de cellules initiées sous l’effet de facteurs multiples (hormonaux, nutritionnels, métaboliques…). Enfin, il y a l’étape d’extension associée à la vascularisation (angiogenèse), et enfin la diffusion : c’est le stade des métastases. L’enchaînement chronologique de ces étapes est indispensable. Une promotion sans initiation aboutit simplement à une tumeur bénigne (fibrome, adénome…). De même, ingérer des molécules mutagènes ne suffit pas car la dose et la répétition de l’exposition sont essentielles.

Comment l’alimentation peut-elle protéger du cancer ? 

Toutes ces étapes sont réversibles. La plupart des mutations n’aboutissent pas. En effet, l’organisme possède de multiples moyens pour enrayer ces processus qui comprennent toujours des mécanismes inflammatoires et oxydatifs. L’alimentation et le mode de vie contribuent très fortement à renforcer (ou affaiblir selon le cas) nos moyens de défense.

Mais « le » cancer n’est pas une maladie homogène. Il faut distinguer les cancers selon leur localisation, leur nature, les facteurs propres aux personnes (âge, génétique, microbiote, hormones et récepteurs hormonaux…).

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Adapter son alimentation pour prévenir les risques de cancer

Ce sont les études épidémiologiques (c’est-à-dire menées sur de grandes populations suivies longtemps) qui ont permis de repérer les facteurs nutritionnels négatifs et les facteurs protecteurs. Même s’ils diffèrent selon le type de cancer, on peut établir les grandes lignes d’une alimentation qui permet de mettre plus de chance de son côté et de limiter les risques. Les cancers de la prostate, du côlon, du sein sont sous ces influences.

Les fruits et légumes sont bénéfiques du fait de leur richesse en constituants protecteurs comme les vitamines et les minéraux antioxydants. On donnera une très bonne note aux crucifères (choux), aux alliacées (ail, oignon), tomates et cucurbitacées (courges…). Les agrumes (oranges…), pommes, poires, pêches, abricots, fruits rouges sont aussi très bien placés avec leurs polyphénols et caroténoïdes qui leur confèrent des couleurs et goûts variés, et surtout des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires. Les cancers de la prostate, du côlon, du sein sont sous ces influences. Les laitages fermentés (yaourts) diminuent très fortement le risque de cancer du côlon, et réduisent le risque de cancers du sein non hormonaux. Les noix, amandes et oléagineux, à raison d’une poignée par jour, ont aussi un effet favorable sur la santé, de même que les céréales complètes et les légumes secs, sur le risque de cancer colorectal, en partie du fait de leur richesse en fibres. De même, les légumes riches en fibres prébiotiques (artichaut, topinambour, oignon, salsifis, chicorée) sont bénéfiques en agissant sur le microbiote intestinal. La consommation de viande rouge en quantité excessive (plus de 500 g (compté cuit) par semaine) et de charcuterie est associée à une petite augmentation du risque de cancer. Le mode de cuisson (grillé et surtout barbecue) joue un rôle péjoratif majeur. Le sucre et le gras ne « donnent » pas le cancer mais leur excès n’est pas souhaitable car cela peut conduire à un gain de poids. L’excès de sel, d’alcool, de boissons très chaudes augmente le risque de cancer de l’estomac et de l’œsophage.

Un régime alimentaire de type méditerranéen semble donc particulièrement protectrice (huile d’olive, céréales, légumineuses, fruits et légumes, noix, un peu de viande, poisson, produits laitiers fermentés, thé, épices, peu d’aliments ultra-transformés). Il n’y a pas de preuve, pour l’instant, d’une supériorité d’une alimentation « bio » sur la prévention des cancers.

L’activité physique et le maintien d’un poids stable, et si possible normal, sont aussi très bénéfiques. Nous pouvons donc agir très utilement pour réduire le risque de survenue de certains cancers grâce à notre alimentation.

Dr Jean-Michel Lecerf,
Médecin nutritionniste, spécialiste en endocrinologie et maladies métaboliques
Directeur médical du Centre Prévention Santé Longévité
Institut Pasteur de Lille